750 grammes
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La manjadora de Vilanòva
4 février 2016

Le Stelsia, une cuisine sans lumière (paradoxalement)

Il nous fallut toute l’inconscience que l’on réserve aux entreprises hardies. Nous partîmes hier au soir comme on jette sa gourme, difficilement remis des palpitations engendrées par la visite du site internet du Stelsia.
Il faut dire que ce site, par ailleurs fort léché, affiche tout la gamme des couleurs à même de vous permettre d’étalonner le moniteur de votre ordinateur. C’est bien simple, je me suis connecté pour réserver, une heure trente-sept plus tard, je découvrais de nouvelles nuances ! Un peu chargé, quoi… Cependant, réactif : j’avais à peine eu le temps d’avaler deux aspirines que je recevais un e-mail puis un sms de confirmation.  Au vu de l’onirisme disneysant ambiant, j’attendais plutôt qu’une licorne m’apportât un parchemin luminescent…

Le soit tombait. Nantis de deux boîtes-qui-parlent et d’une carte d’état-major, nous prîmes la route. J’ouvre ici une parenthèse pour souligner l’humeur remarquable de ces machines : les deux GPS, bien que pas tout à fait d’accord sur le chemin à suivre, n’élevèrent pas la voix, se contentant l’un ou l’autre de « recalculer l’itinéraire » quand notre choix se portait sur celui indiqué plutôt par Tom-Tom ou plutôt par Mappy. Ainsi ma machine est-elle parfois plus sage que l’homme. Plus ennuyeuse, aussi…

Nous abandonnâmes bientôt tous les artefacts électroniques pour renouer avec une tradition antique : nous étions trois ; une lueur nous guidait dans la nuit ; un halo; sûrement holly… Il nous vint l’envie de nous appeler Gaspard, Melchior et Balthazar, de nous charger de myrrhe et d’encens, et à mesure que nous approchions, nous éprouvions l’envie de fredonner du Wagner, si tant est que l’on puisse fredonner du Wagner, passant ainsi des considérations bibliques à la furie des Walkyries.
Bientôt la lumière se fit plus vive, et nous apparut encadrée par un austère portail aux noirs vantaux la majesté d’un bâtiment que le désordre lumineux alentour n’arrivait pas à altérer.
Une large allée pavée renforçait cette impression d’entrer chez un Fouché sous acide. Un parking couvert et éclairé a giorno, doté de bornes de recharges pour véhicules électriques (il serait intéressant de fouiller un peu les rapports du maître des lieux avec la fée Electricité, tant elle est omniprésente…), accueillait notre vénérable automobile (33 ans aux fraises).
Il faisait nuit, mais il faisait jour. Pourtant, ces lumières paraissaient moins violentes que sur les photographies. Sans aller jusqu’à parler d’harmonie, du moins éprouvait-on comme un soulagement à les contempler. Hé, si, elle mettaient la bâtisse en valeur ! Je me fis cette réflexion que les constructions antiques arboraient pareille débauche de couleurs, et que seule une vision à la Violet-le-Duc nous entretenait dans cette illusion d’une architecture mono-chrome…

Des pavés nous passâmes à la moquette : d’un château l’autre, quoi… Le personnel paraissait un peu déplacé. Présent, mais comme en retrait. Posés là, quoi, engoncés. A coup sûr ils n’avaient lu ni « Le manuel de l’amphitryon », ni « Dans la dèche à Paris et à Londres ». Ni Octave Mirbeau, du coup…
Dans ces murs l’on s’attendait pourtant à la sollicitude attentive de gens-de-maison plutôt qu’à l’à-peu-près d’intérimaires déconcertés.
La salle du bistrot - puisque tant notre envie présente que la platitude de nos bourses nous interdisaient l’entrée du « gastro » - offrait au regard un relatif apaisement, n’eût été ce bandeau lumineux ceinturant le plafond, animé, orange, agressif : attirons un instant l’attention du maître de céans sur ce que la technique permet. Ces appareils sont réglables, en matière d’intensité lumineuse. Si vraiment il persiste à transformer une salle-à-manger en place de foire, qu’il baisse un peu l’intensité lumineuse de sa réclame : on n’est pas à las Vegas !
Les siège étaient confortables, la table sobre, et le personnel plus-haut cité, maladroit.  Ainsi nous fut proposé un cocktail - oh, je ne résiste pas au plaisir de conter l’anecdote : alors que je m’enquérais de la nature de la menthe présente au rang des ingrédients, sirop ou feuille, la serveuse me répondit « ah, la menthe, l’herbe quoi » qui me laissa pantois - que nous refusâmes. La question eût-elle été ouverte, que nous aurions opté pour quelqu’autre breuvage. Mais elle était fermée : tant pis…
La carte proposait un choix attrayant. Bien sûr, quelques détails tiraient l’œil, comme les œufs « de poule ». Il est vrai que dans cet univers un peu fantasmagorique, la précision peut avoir son importance ! Toujours curieux, et comme souvent surpris, j’appris de la bouche de notre serveuse que le pavé de bœuf sauce bordelaise devenait (« suppl. 3 euros ») « Rossini » par la simple adjonction d’une escalope de foie gras : curieux baptême où les Saintes Huiles de la sauce Périgueux étaient remplacées par une sauce prétendument « bordelaise ». Prétendument, car, comme j’en cueillais une goutte d’un index fureteur dans l’assiette de mon commensal, je fus étonné par sa texture. Et plus encor  par son goût : simple réduction miroir non beurrée ? Ajout de (faux) vinaigre balsamique ? De sucre ? Fond de veau en poudre ? Et, bien sûr, oubli du thym…

D’ailleurs, c’est une caractéristique constante de la cuisine offerte par le bistrot du Stelsia que d’oublier l’assaisonnement. A commencer par le sel, marquant à tous les plats. Je dois d’ailleurs souligner qu’obtenir une salière, et plus globalement l’attention d’un serveur, oblige à se livrer à une pantomime rappelant le sémaphore ou le télégraphe de Chappe, sauf à faire sursauter l’assemblée en haussant inconsidérément la voix.
Mais il ne manque pas que le sel ! Dans le saumon Gravelax, parfaitement mariné, à l’équilibre sel/sucre parfait, l’aneth était absent ; le filet de cabillaud et le risotto (ma lié) qui l’accompagnait manquaient tous deux de goût, d’apprêt ; quant à la « Garbure », plat si riche en goûts, elle se révéla morne, triste, plate…

Parlons-en un peu, de cette « Garbure », annoncée « de poisson ». Je m’attendais à un ttioro, ou, à tout le moins, d’une préparation hardie mêlant le jambon au poisson, le piment d’Espelette au genièvre. De tout cela, point. Ni garbure ni ttioro, mais, pauvrement, quelques morceaux de poisson trop cuits nageant dans un jus clair (quand on pense que la signature dune bonne garbure était la cuiller s’y tenant toute droite !), un petite quenelle granuleuse  mal travaillée, peut-être élaborée mécaniquement, et non montée au mortier, et, vraisemblablement pour lier ainsi l’insipide brouet à la prestigieuse garbure, quelques lambeaux de choux mêlés, ô horreur, de haricots mal cuits, sans doute dans le bouillon même ou à l’eau salée (chacun sait pourtant qu’on ne sale jamais la cuisson des haricots). Je parle ici de haricots blancs génériques, car tant leur taille que l’épaisseur de leur peau me semblent interdire le qualificatif de « tarbais »…

Je reviens aux entrées pour un mention relative aux œufs « de poule » mollets : ils ne l’étaient guère. Trop cuits. je n’ose imaginer que le Chef les prépare encore à l’ancienne, en cuisson à l’eau bouillante, à l’heure où les fours se règlent au degré près. Mais, rappelons-le, c’est 65 degrés pour un œuf mollet, pas un de plus ! A cette température, et en les arrosant d’eau régulièrement, on les tient au four pendant une heure. Là, ils étaient quasiment durs…
Ces œufs étaient dits « florentine » : nous signalons au chef que ce qualificatif, s’il annonce la présence d’épinards, promet aussi de la sauce béchamel, et non une simple addition de crème fraîche chaude non-liée.

Les desserts furent décevants. Poire dite « belle Hélène », mal pochée, ou a feu trop vif, dure, résistant à la cuiller et à la dent, bref, de quoi faire se retourner le grand Escoffier dans sa tombe ! Le gratin de fruit frais n’était pas en reste, beaucoup trop sucré, ce qui ôtait tout intérêt à la poudre d’amandes. Par ailleurs, il s’agissait de réchauffé, et sans doute au four à micro-ondes si l’on en juge à la différence de température entre morceaux aqueux et plus secs. Un coup de chalumeau n’eût pas manqué de donner à ce gratin un air… Gratiné !

Le vin, une IGP au prix relativement raisonnable de 18 € - alors que les bons au verre sont dispendieux, n’importe l’appellation, autour de 9 euros - était fort bon.

L’addition, pour trois, se monta, avec une bouteille d’eau minérale et un café, à 118 euros, ce qui n’est pas négligeable, mais reste onéreux au regard de la qualité, et de la quantité, des mets.
Je voudrais ici rappeler que, plus le prix est bas, plus le restaurateur se doit de soigner sa cuisine. En effet, la clientèle d’un restaurant gastronomique, qui dépense cent euros ou davantage par convive pour un repas, peut très bien se remettre d’agapes contrariées : elle reviendra le lendemain, ici ou ailleurs, peut lui en chaut, au fond. Alors que la clientèle d’un restaurant populaire accomplit un véritable effort, en déboursant trente euros : si c’est loupé, elle ne pourra pas réitérer l’expérience de sitôt !
Ça n’est pas le prix qui fait la cuisine, mais le soin, la technique, et le cœur. Tous trois sont cruellement absents de cette maison…
Même le service est maladroit : aucun plat ne fut posé correctement sur la table. j’ai assisté impuissant à la chute d’un brin de persil secoué par l’atterrissage ! Et, de trois convives, aucun de fut servi par la gauche, ni son verre de vin empli à droite. En ce qui me concerne, assis en fond de table, je fus servi… Par dessus !

En sortant, nous avisâmes le dernier tabouret du bar, perché juste à l’angle d’une petite marche : de quoi se casser la gueule même en cas de consommation de liquides alcooliques avec modération !
Dans le sas, une prise électrique sortant de sous la moquette, au bout de son fil souple, fit réagir
l’un de nous, technicien éclairagiste : « Tiens, y z’ont pas les mêmes normes, ici ? »
Enfin, devant la sortie, une longue berline de luxe empiétait sur l’accès : guère courtois pour les clients. Même pour ceux qui, à mon instar, possèdent une automobile de la même marque…

A propos de voiture, il ne me semble pas avoir aperçu de places de parking réservées aux handicapés. Pourtant, ce parking est vaste, et l’on peut se retrouver fort éloigné de l’entrée du restaurant. Pour information, « au moins 2 % de l'ensemble des emplacements de chaque zone de stationnement (voies ouvertes à la circulation publique et parc des établissements recevant du public), doivent être réservés aux titulaires de la carte européenne de stationnement. » - décret n°2006-1658 du 21 décembre 2006.

Pour conclure : le décor est intéressant , original sans être agressif. L’on y sent un soin particulier. Le service est plus que quelconque, voire maladroit. la table est nettement perfectible.
L’on y retournera cependant, pour guetter cette souhaitable évolution. Et même, un jour que je serai en fonds, je pousserai sans doute la porte du « gastro ».
Après tout, ça n’est pas simplement une histoire d’avoir des sous : il faut avoir des couilles, pour créer un tel complexe hôtelier, par les temps qui courent et dans cette région. Et le moins qu’on puisse faire, c’est de saluer cette initiative…

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